Les mentors

Merci parrain, merci marraine : ces « mentors » de l’humour

Leurs spectacles affichent complet, leurs blagues deviennent cultes : certains humoristes ont réussi à acquérir une renommée. Être à leurs côtés est un tremplin indéniable pour de nombreux novices qui tentent de se faire une place dans le milieu de l’humour. Témoignages de parrainés.

Quel humoriste en herbe ne rêverait pas qu’un Gad Elmaleh ou une Florence Foresti ne lui révèle les ficelles du métier ? Débuts sur des scènes ouvertes et quelques vidéos postées sur internet qui permettent de se faire connaître petit à petit sont un passage obligé pour ces comédiens. Mais, les coups d’accélérateur sont les bienvenus dans ce milieu très concurrentiel, notamment en accompagnant sur scène des humoristes chevronnés.

Le comédien et acteur Ary Abittan a été parrainé par des « grands ». Après quelques scènes sur les théâtres parisiens fin des années 1990, il assurera les premières parties d’artistes comme Gad Elmaleh et Elie Semoun. Dans les années 2000, il fait ses premiers pas au cinéma et joue son spectacle À la folie, au Palais des Glaces. Récemment il était l’une des têtes d’affiche de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, une comédie française au succès retentissant.

Jamel Debbouze, un révélateur de talents très courtisé


Il y a presque dix ans, était diffusé la première émission du Jamel Comedy Club sur Canal +. Une émission créée, produite, et présentée par Jamel Debbouze. Le concept : quatre humoristes ont chacun cinq minutes pour s’adresser au public et surtout le faire rire. Le tout étant orchestré par Jamel, qui assure les transitions entre chaque comédien.

L’émission a permis à de jeunes talents du stand’up de démarrer leur carrière, comme Frédéric Chau (photo ci-contre).« Quand Jamel a eu l’idée du Jamel Comedy Club en 2005, il a écumé avec son metteur en scène les théâtres parisiens. A ce moment, j’étais dans la troupe du Comic Street Show, où il y avait Claudia Tagbo, Amelle Chahbi, Thomas Ngijol, Fabrice Eboué… Bref, 90% de la première génération du Jamel Comedy Club. Quand il nous a repérés, on a fait ses premières parties. Avant lui, je n’avais aucune visibilité », se souvient-il. De nature timide, c’est grâce à beaucoup de travail que le jeune homme perce, mais aussi grâce à l’aide de Jamel. « Un parrain vous choisit parce qu’il croit en vous. Le parrain doit donner au comédien qu’il a repéré une pulsion et c’est une chance unique qu’il faut saisir. Jamel m’a donné cette chance. Après, c’est à nous de transformer cette pulsion pour s’émanciper. »

Une émancipation prise en 2009, lorsqu’il quitte le Jamel Comedy Club. En 2014, il rencontre un grand succès en tant qu’acteur, notamment pour son rôle dans Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu ? et dans Lucy, un film de Luc Besson. Le théâtre de Jamel, Le Comedy Club, inauguré en 2008 à Paris, devient également une véritable pépinière d’humoristes. Waly Dia, Malik Benthala, Foudil Kaibou et Alban Ivanov comptent parmi la dernière génération formée par Jamel. Ces humoristes y jouent régulièrement, en plus d’être produits par Debjam, la société de production de Debbouze.


Faire rire à la télévision

L’émission On n’demande qu’à en rire (ONDAR) sur France 2 a également été révélatrice de talents, l’ancêtre du programme, La Classe, ayant propulsé notamment Jean-Marie Bigard, Muriel Robin ou Elie Kakou. Diffusée chaque jour à 18h de septembre 2010 à juillet 2014, elle offrait la possibilité à des humoristes amateurs ou professionnels de venir faire rire les téléspectateurs le temps d’un sketch. « Pour participer à l'émission, il fallait d'abord se filmer chez soi en train de jouer son sketch dans son salon, suivant les thèmes envoyés par mail. Et après tu attends qu'on t'appelle », se souviennent les Décaféinés (photo ci-contre), Rémi Deval et Clément Parmentier, devenus « pensionnaires » de l’émission après dix passages. Si les humoristes avaient conquis jury et public du plateau en ayant obtenu un nombre de points suffisant, ils pouvaient revenir la semaine suivante dans l’émission. Au contraire, si le sketch n’était pas drôle, le jury pouvait « buzzer » pour stopper le candidat. Une façon de jouer, de s’évaluer, mais aussi de se faire connaître médiatiquement. Aymeric Lompret ou encore Jérémy Ferrari y ont participé.

Ce dernier, remarqué dès ses premiers passages à l’émission, a d’ailleurs été désigné meilleur humoriste de la saison 2012 par le jury et les spectateurs en ayant obtenu le maximum de points (100) pour un sketch. Son spectacle Hallelujah Bordel !, s’est joué à guichets fermés en 2013 en réunissant plus de 250 000 spectateurs. S’en est suivi la sortie d’un DVD et d’un livre. Récemment, il a imaginé Le Battle Show, une émission où des artistes viennent s’affronter dans différents domaines (humour, chant, danse, etc.) diffusée sur L’Enôrme TV. Des avantages certains, dont l’humoriste Lamine Lezghad (ci-contre) a aussi pu bénéficier. Il reconnaît d’ailleurs que tout est allé plus vite grâce à cette émission. « Au-delà de l’aspect financier, ce qu’ONDAR m’a apporté c’est le spectacle que je fais actuellement (ndlr : Le Roi des Enc…). En deux ans d’émission, j’ai écrit l’équivalent de quatre spectacles, avec du bon, du très bon, du mauvais et du très mauvais. Mais en termes de productivité, quatre spectacles représentent habituellement 20 ans de carrière. Comme j’étais novice dans ce métier, ça m’a permis de chercher mon style en faisant des sketches très différents et d’aller vers le style dans lequel je me sentais le mieux. »

Pour l’humoriste, mis en lumière grâce à l’émission de Laurent Ruquier, un parrain c’est bien, mais pas indispensable pour se faire connaître. « Ça aide pas mal un parrain. Après, tout dépend du type de parrainage dont on parle, est-ce que c’est quelqu’un qui va te produire, qui va t’aider artistiquement, qui va te présenter à d’autres gens du milieu… De toute manière, humoriste c’est un métier de contacts. Au-delà de ce que tu fais sur scène, c’est bien d’avoir la tchatche. » Un avis partagé par les Décaféinés, dont le duo formé quatre mois avant l’émission, est aujourd’hui sur scène au Théâtre du Point Virgule pour leur spectacle Très Serrés. « Cette émission a beaucoup contribué à notre développement mais la télé n'est pas indispensable et il faut toujours travailler dur pour séduire ceux qui ne nous connaissent pas, car rien n'est jamais acquis. Il faut s'entourer des bonnes personnes.»

La Patson family, dénicheuse de talents de banlieue

Mais la tchatche, les blagues, ça peut s’apprendre et se transmettre. Un choix qu’a fait l’humoriste Patson. Lui-même avait été révélé par le Jamel Comedy Club. Il est aujourd’hui à l’initiative de spectacles où se produisent des jeunes de banlieues que l’humoriste a pris son sous aile. Ils ont entre 13 et 26 ans, et se sont produits tout l’été au Splendid avec le spectacle La vie de ma mère, ma banlieue est drôle ! Un vrai projet pédagogique pour Patson, ancien éducateur, qui les a aidés à écrire des textes sur leur banlieue, loin des clichés habituellement véhiculés. C’est en 2009 que Patson décide de monter des Top Show à Creil, Evry, Epinay-sur-Seine et Sarcelles, pour y recruter des jeunes talents et monter des spectacles mêlant danse, slam et comédie. Désormais, les plus talentueux et les plus motivés font partie de la Patson Family et se produisent tous les vendredis soirs au Théâtre du Gymnase à Paris.

Une chance pour eux et une façon de rendre la pareille pour Patson. Envoyé seul de Côte d’Ivoire par sa mère à l’âge de 12 ans, une famille française l’accueille alors qu’il était à la rue. Pour lui, ses vrais parrains, ce sont eux, comme il en témoignait cet été sur RFI. « Si je monte sur scène, si je mène la vie que j'ai, c'est grâce à ces gens-là. Quand on vous donne, il faut donner à son tour, c'est ça le cycle de la vie ».

Elise Saint-Jullian, Romain Lambic



Dim Sum Academy : de la déconne mais surtout du travail


Vous en avez marre de la pollution ? par dimsumacademy

Après vingt ans de carrière, entre autres aux côtés d’Omar Sy dans le SAV des Émissions, Fred Testot franchit le pas. Avec Thomas Plessis (producteur) et Ahmed Hammidi (metteur en scène), l’acteur a décidé de donner leur chance à de jeunes artistes en fondant la Dim Sum Academy. Le principe : produire des mini-sketchs délirants entièrement réalisés par ces jeunes, puis les diffuser sur Dailymotion.

Créée en novembre 2014, c’est en janvier 2015 qu’a été officiellement lancée la Dim Sum Academy, la dernière trouvaille de Fred Testot. C’est un nouveau canal du rire où les jeunes artistes de la troupe sont épaulés pour la création de leurs vidéos. Sur son site Internet, la Dim Sum explique que « c’est un talents network dédié à l’humour, où se côtoient des comédiens, des humoristes confirmés ou en devenir et bien sûr les talents du web. »

Parmi les membres de cette nouvelle troupe, Pierre Cachia, un jeune comédien parisien habitué des planches de théâtre et de courts-métrages. C’est au festival du film de comédie de l’Alpe-d’Huez en janvier 2015 qu’avec un de ses acolytes, Léo Karmann, ils ont rencontré Fred et pu intégrer la Dim Sum Academy. « Fred a vu notre court-métrage, Jumble Up, dans ce festival. Il a voulu en savoir un peu plus sur nous et nous lui avons montré des mini-sketchs que nous avions déjà réalisé avant notre rencontre. Il a adoré notre esprit, notre délire et c’est venu comme ça. »

Une véritable famille

Pierre (ci-contre), Léo et Rudy Mayoute, le troisième comédien de la bande, rejoignent ainsi l’aventure et prennent le nom de Coconuts. Après un premier sketch intitulé Ping Pong, le trio propose désormais une série qu’ils ont créé ensemble il y a quelques années, C’est quoi le pire. « Tout a commencé pendant une partie de Wii. Avec Léo et Rudy on s’est dit “tiens, c’est quoi le pire entre ci et ça, et imagine les deux en même temps.” On a commencé à se bidonner et on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire avec ça », explique Pierre. Ce qui donne des combinaisons délirantes : “couille ou cactus”, “vie ou mort”, “ricain ou taré” ou encore “chiottes ou apocalypse”, qui ont pu voir le jour en vidéo grâce à la Dim Sum Academy.

« Fred, Thomas et Ahmed ont construit une véritable famille » avoue Pierre, qui raconte qu’il y a un véritable accompagnement dans l’écriture et la réalisation des sketchs, via des réunions ou des échanges interpersonnels. « Il y a un vrai dialogue avec eux, il y a de l’ouverture. Ils peuvent nous dire si ce qu’on propose leur plaît ou si ça ne leur plaît pas, il y a une discussion, on est toujours dans le dialogue. Ensuite, sur le tournage des deux derniers épisodes, Thomas était présent, ce qui nous a pas mal rassurés. Il était là pour voir comment on se débrouillait. »

« Fred joue son rôle de parrain très au sérieux »

Une synergie semble se former entre l’ensemble des membres de la Dim Sum Academy, puisque Pierre note que, de plus en plus, chacun propose son aide ou participe à l’écriture ou au tournage d’une autre équipe. Le comédien trouve dans le web un véritable laboratoire de l’humour : « Avec cet outil on peut se planter, ce n’est pas grave. On teste des choses. Si ça marche on continue et si ça marche moins, c’est pas grave, on aura essayé. » Pierre voit en Fred un parrain d’exception. « On sent que ce n’est pas quelqu’un qui vient faire son académie et qui laisse les gens se démerder seuls ou qui n’est là que pour poser son nom. Il nous propose des choses, on lui en propose, il y a un dialogue très simple et constructif. Il est très sérieux dans son rôle. Tu sens qu’avec Thomas et Ahmed il veut emmener cette petite famille vers autre chose et nous faire travailler tous ensemble. Il nous apporte son aide et sa bienveillance. »

Pierre Cachia et ses compères ne cachent pas leur joie de faire partie de l’aventure : « Avant la Dim Sum, on avait déjà pensé à au moins 30 ou 40 projets. C’est quoi le pire se fait grâce à l’académie et pour ça on est très reconnaissant envers Fred, Thomas et Ahmed. Plus on avance et plus on touche les gens, on ne pouvait pas rêver mieux. » La Dim Sum Academy et Dailymotion ont signé un partenariat d’un an, qui pourrait très vite être renouvelé. En effet, depuis sa création en janvier, la chaîne a déjà cumulé plus d’1,5 million de vues.

Romain Lambic


C'est quoi le pire : ricain ou taré ? par dimsumacademy